Elodie Pinguet – 04.11.2016
Edition – Société – prix Goncourt 2016 – Leïla Slimani – humiliation homosexuels Maroc
Invitée au micro de France Inter, la lauréate du prix Goncourt, interrogée à propos de l’arrestation de deux jeunes filles à Marrakech s’est insurgée contre le système marocain, qui réprimande l’homosexualité et pratique « l’humiliation du citoyen au quotidien ».
ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Dans la foulée de l’obtention du prix Goncourt pour Chanson douce, Leïla Slimani était l’invitée d’Ali Baddou au micro de France Inter ce 4 novembre. Après être revenue sur le son titre et sur le fait qu’il « est important de consacrer les femmes en littérature », elle a été questionnée sur le thème de l’homosexualité et sur l’histoire des deux jeunes filles arrêtées à Marrakech. Sanaa et Hajar, âgées de 16 et 17 ans, s’embrassaient sur le toit d’une maison et risquent désormais la prison.
La lauréate franco-marocaine a réagi en dénonçant au Maroc une « législation complètement moyenâgeuse et déconnectée de la réalité ». Elle met en avant le contraste entre les vieilles normes et la réalité, décrivant la présence d’une « dualité entre les normes anciennes qui interdisent les relations sexuelles hors mariage, qui interdisent l’homosexualité, qui pénalisent l’adultère, et les pratiques complètement à l’inverse de ces normes ».
Dans la société actuelle, ces règles paraissent inconcevables puisqu’« il ne faut pas être hypocrite, tout le monde sait très bien que les Marocains ont une vie sexuelle hors du mariage et c’est tout à fait normal qu’il existe des homosexuels ». Une frontière entre passé et présent qui, selon elle, « arrange le système ».
Elle a ensuite appelé les citoyens marocains à se rebeller contre cet abus de pouvoir du système politique. Elle soulève la question de la religion, qui n’aurait pas à entrer en compte dans cette situation : « vous pouvez parler à beaucoup d’imams, beaucoup de théologiens éclairés qui vous expliqueront que ça n’a aucun rapport ».
Ce qui entre en jeu c’est « la question des droits de l’homme, des droits sexuels, de la dignité, et en particulier la dignité du corps de la femme ». Dans un monde idéal, on pourrait imaginer « une femme qui ne soit à personne, ni une sœur, ni une mère, ni une épouse, mais une femme et un individu à part entière, libre ».
Lors de la présentation de son livre Chanson douce à Casablanca, il y avait foule malgré un pays peu consommateur de livres. Leïla Slimani s’est dite émue et constate que pour beaucoup de personnes « visiblement j’incarne quelque chose ».
La liberté d’expression reste fragile au Royaume du Maroc, où le dessinateur Khalid Gueddar, pour ne citer que lui, a déjà été menacé par le gouvernement et les autorités à plusieurs reprises pour ses dessins.
Rappelons que le Maroc sera le prochain pays invité d’honneur du salon Livre Paris.
Gaston Bellemare C.M.,O.Q., D.h.c.
Président
Centre québécois du P.E.N. International
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H2X 3C8 Canada