Raïf Badawi libéré!

D’après Henri OUELLETTE-VÉZINA et Alice GIRARD-BOSSÉ, LA PRESSE

Le blogueur saoudien Raïf Badawi, qui avait été condamné à 10 ans de prison pour avoir publié un blogue critiquant des politiques de l’Arabie saoudite, a finalement été libéré vendredi, au plus grand bonheur de sa conjointe et de sa famille.

« Après 10 ans de détention, Raïf est libre! », a en effet annoncé sur Twitter Ensaf Haidar, qui vit à Sherbrooke depuis 2013 avec les trois enfants du couple. Le fils de M. Badawi, Terad Raïf Badawi, a lui aussi confirmé la nouvelle dans les minutes suivantes, en joignant à sa publication une photo de la famille.

« Ce matin, c’est vraiment un mélange d’émotions. De la surprise, de la joie, du soulagement : tout est arrivé d’un coup », a expliqué Mme Haidar peu après, en entrevue avec La Presse vendredi. Elle affirme que la libération de son conjoint est « une bonne nouvelle pour tout le monde » au Canada et dans le monde. « C’est une grande journée. On est vraiment très contents, très heureux. Enfin! », s’est-elle aussi exclamée.

Selon nos informations, c’est Raïf Badawi lui-même qui aurait informé sa conjointe de sa libération, en l’appelant depuis le centre de détention où il se trouvait. Pour l’instant, la famille ne s’exprimera pas sur les prochaines étapes afin d’éventuellement rapatrier M. Badawi au Canada. « L’important pour moi, c’est qu’il est libre. Maintenant, on verra ce qu’on doit faire », s’est limitée à dire sa conjointe.

M. Badawi pouvait théoriquement être libéré depuis la fin du mois de février. Bien que sa peine de prison ait maintenant officiellement pris fin, l’homme devra toutefois encore faire face à une interdiction de voyager pendant 10 ans, à une interdiction de travailler dans les médias et à une amende punitive de 335 000 $ qui a été prononcée au moment de sa condamnation.

« Une grande journée »

« C’est une grande nouvelle et une grande journée, parce que c’est un véritable défenseur des droits humains. C’est quelqu’un qui a voulu faire progresser son pays, qui est un des pays les plus rétrogrades en matière d’égalité entre les hommes et les femmes », dit Pascal Paradis, directeur général d’Avocats sans frontières Canada.

« On a réagi avec beaucoup d’émotions, de bonheur et de soulagement à cette annonce. C’était espéré, mais inattendu parce qu’on n’avait aucun signe qu’il allait être libéré. On est très très heureux », renchérit France-Isabelle Langlois, directrice générale d’Amnistie internationale Canada.

Sa libération représente « un message d’espoir » pour les autres prisonniers, soutient Mme Langlois. « C’est le visage qui personnifie l’ensemble des prisonniers et des prisonnières d’opinion et des défenseurs des droits qui ont été ou qui sont encore emprisonnés. »

La bataille n’est pas terminée, rappelle toutefois Mme Langlois. D’autres charges pèsent toujours contre lui, notamment l’interdiction de sortir de pays pendant les dix prochaines années et de communiquer sur les réseaux sociaux. « On va continuer de travailler pour que ces charges soient aussi abandonnées et qu’il soit le plus tôt possible ici au Québec avec sa famille », conclut-elle.

« Développement extraordinaire »

Sur la toile, les réactions n’ont pas tardé. « Nous sommes heureux de ce développement extraordinaire et offrons notre entière collaboration à Raif Badawi et Ensaf Haidar pour la suite des choses », a notamment indiqué le chef du Bloc québécois Yves-François Blanchet, qui avait fait campagne avec Mme Haidar l’automne dernier, alors qu’elle était candidate de son parti aux élections fédérales dans Sherbrooke.

« Enfin ! Je ne cesse de penser aux enfants qui vont enfin retrouver leur père », s’est aussi exclamé le premier ministre du Québec, François Legault. « Un énorme soulagement pour toute sa famille. En espérant du fond du cœur que vous puissiez vous retrouver bientôt. Nous collaborerons, comme c’est le cas depuis le début, pour que ça devienne une réalité », a aussi promis le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon.

Amnistie internationale Canada, qui militait pour sa libération depuis plusieurs années, a aussi parlé vendredi d’une « nouvelle tant attendue ». « Vous vous êtes mobilisés par milliers à nos côtés dans la défense de Raïf Badawi depuis 10 ans. Un grand merci à toutes et tous pour votre soutien sans relâche », a lancé l’organisme à ses membres.

Rappelons que le 17 juin 2012, Raïf Badawi avait été arrêté puis condamné à 10 ans de prison pour avoir publié un blogue discutant des questions sociales en Arabie saoudite. Déclaré coupable entre autres d’insulte à l’islam, le blogueur avait aussi été condamné à 1000 coups de fouet, dont il a reçu les 50 premiers en 2015. Il aurait échappé aux autres pour des raisons médicales.

La condamnation de M. Badawi avait suscité une forte indignation sur la scène internationale dans les dernières années. Outre Amnistie internationale, de nombreuses organisations gouvernementales ainsi que des groupes de défense ont demandé sa libération à plusieurs reprises. L’année dernière, la Chambre des communes et le Sénat avaient même voté en faveur de l’utilisation par le ministre de l’Immigration de son pouvoir discrétionnaire pour accorder la citoyenneté canadienne à Raïf Badawi.

Avec La Presse Canadienne

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