23 novembre 2017 — PEN International est extrêmement préoccupé par les restrictions qui ont été imposées à la liberté d’expression et d’opinion en Catalogne pendant la campagne référendaire et après le référendum sur l’indépendance de la Catalogne tenu le premier octobre 2017. Alors que l’élection régionale du 21 décembre approche en Catalogne, PEN International est particulièrement alarmé par les rapports sans précédent de l’augmentation du niveau de harcèlement et de violence contre les journalistes.
« Pour qu’une élection soit libre et juste, il est vital et évident que les journalistes devraient être capable de travailler sans harcèlement, sans intimidations et interférences indues, pour qu’ils puissent agir librement, parler à quiconque ils veulent et écrire ce qu’ils désirent. Les médias ont un rôle légitime dans une démocratie : celui de chien de garde, celui de créer une plateforme de diffusion pour les campagnes, celui d’être un forum pour les débats, celui d’éduquer le public, pour que le peuple puisse participer pleinement et de façon significative dans l’élection. À ce jour, la réaction du gouvernement espagnol à cette crise politique est déconcertante, et contraire au genre de message que l’Espagne — et les autres pays européens — transmet aux pays qui sont aux prises avec une élection hautement contestée et partisane. Selon Salil Tripathi, président du Comité de la défense des écrivains emprisonnés de PEN International, « La démocratie commence à la maison ».
Suite à plusieurs rapports crédibles et bien documentés de l’emploi de force excessive le jour de l’élection par les agences de la paix — notons que de tels rapports exigent des enquêtes approfondies et impartiales menées par des experts indépendants — PEN International souligne encore une fois que le climat favorable à la liberté de presse en Catalogne se désagrège de jour en jour. La polarisation du débat sur l’indépendance de la Catalogne a un impact néfaste sur la liberté d’expression des médias ; plus particulièrement, il y a un manque de reportages équilibrés dans les deux camps, ainsi que dans les services publics d’information.
Des exemples de la détérioration de la liberté d’expression incluent :
- Des cas de harcèlement des journalistes dans les médias sociaux et même, dans certains cas, des cas de violence physique. Les deux camps, aussi bien celui étant en faveur que celui étant contre l’indépendance de la Catalogne, sont impliqués dans ces méfaits qui sont perpétrés avec l’aide des actants publics ou privés.
- Les autorités judiciaires poursuivent l’éditeur du magazine satirique El Jueves ainsi que le comédien, Eduard Biosca, pour des farces qu’ils auraient publiées dans le magazine ou proférées à la radio au sujet des policiers espagnols.
- Des enseignants de trois écoles de la ville La Seu d’Urgell sont l’objet d’une enquête pour avoir supposément fait en classe la promotion de discours haineux lors des débats politiques au sujet du référendum et de l’oppression systématique orchestrée par la police.
- Selon un reportage, un instituteur qui a été arrêté pour quelques moments est toujours le sujet d’une enquête pour avoir présumément incité des gens à la haine et critiqué la violence de la police dans les médias sociaux.
PEN International a déjà exprimé sa préoccupation en ce qui concerne l’utilisation des mesures judiciaires pour étouffer les débats démocratiques en Catalogne et l’utilisation, dans certains cas, de l’emprisonnement avant procès criminel pour l’expression non violente d’opinions politiques dissidentes. Entre autres, cela inclut des cas bien en vue comme les actes d’accusation contre des sécessionnistes bien connus comme Jordi Sànchez et Jordi Cuixart pour rébellion et sédition, ainsi que des accusations semblables contre plusieurs chefs de file politique et des vingtaines de politiciens locaux, des accusations incluant la désobéissance criminelle, la prévarication et le mauvais emploi des fonds publics.
Selon Marjan Strojan, président du Comité des écrivains pour la paix de PEN International « Une élection démocratique est impossible quand les gouvernements entravent et restreignent la liberté d’expression pendant une campagne électorale. ». Il a ajouté que « Les autorités espagnoles doivent faire preuve de retenue et accepter que le discours séparatiste contribue au pluralisme de la société espagnole et qu’il soit toléré dans une société démocratique tant qu’il n’incite personne à la violence. »
PEN International souligne que la liberté d’expression sans encombre, ainsi qu’une presse et des médias libres sont deux piliers importants d’une société démocratique. Dans le contexte de la campagne pour les élections régionales qui commencera le 6 décembre 2017, nous recommandons que les autorités espagnoles et catalanes :
- Prennent tous les moyens nécessaires pour s’assurer que les élections soient libres et juste, ce qui inclut en particulier la liberté de la presse et des médias ;
- Qu’elles s’assurent que les journalistes puissent faire le travail sans interférences indues ; et,
- Qu’elles garantissent l’accès aux médias et assurent une couverture et un traitement égal à tous les partis politiques par les services d’information publics ;
- Qu’elles s’abstiennent d’utiliser l’appareil judiciaire comme outil de suppression de la liberté d’opinion, d’expression et de débats ; et,
- Qu’elles prennent toutes les mesures nécessaires afin d’engendrer un climat favorable à l’expression pacifique de l’opinion politique du peuple catalan, incluant celle de l’autodétermination.
Traduction: Gaston Tremblay