Et notre campagne Out in the cold (Bâillonnés) en Russie, qui demandait le retrait de trois nouvelles lois qui limitaient la liberté d’expression, a reçu un vaste appui. Le re-criminilisation de la loi sur le libelle. La loi sur l’injure religieuse. Une loi qu’on peut identifier comme anti-gaie puisqu’elle interdit toute communication du fait qu’on est gai. Ce sont tous des gestes fondamentalement opposés à la liberté d’expression en Russie.
Mais avec la crise en Ukraine, bien sûr, tous les yeux sont tournés ailleurs que vers ces questions précises. La guerre a toujours eu cet effet hypnotique de distraire les gens pendant un certain temps de leur fidélité au bien commun.
Face à la crise ukrainienne, autant le PEN russe que le PEN ukrainien se sont appliqués à rappeler les éléments de base d’une société juste et ouverte; et que la violence n’est une voie de sortie viable pour personne.
Vue la crise, surtout en Crimée, il est impératif que nous tournions notre regard vers la partie la plus faible de cette équation : les Tatars de Crimée. Il y a 21 mois, je me suis rendu dans la région avec Hori Takeaki, Jarkko Tontti, Kaiser Abdurusul et notre réseau Ural-Altay. J’ai déjà décrit dans une lettre antérieure, celle de juillet 2012, ce peuple de 300,000 personnes qui en 48 heures a été arraché de son foyer en 1944 et exilé vers l’est de la Russie. En 1989, il a retrouvé le chemin de la Crimée et y a reconstruit langue et culture. Dans des circonstances comme celles qui prévalent aujourd’hui, nous devons nous assurer que ces populations ne sont pas une fois de plus opprimées.
En d’autres mots, la solution se trouve dans la négociation et la discussion : dans les deux cas, la liberté d’expression est nécessaire, sinon, il n’y a que des accords de coulisse. http://www.pen-international.org/newsitems/the-pen-community-calls-for-a-peaceful-resolution-of-the-current-crisis-in-ukraine/).
Pendant que nous étions sur place, l’éditeur Bloomsbury a cédé aux pressions d’entreprises et a retiré du marché le livre de Jitender Bhargava sur Air India. Quelques semaines plus tard, des idéologues se sont référés à des lois désuètes pour obtenir que la maison d’édition Penguin retire le livre de Wendy Doniger sur l’hindouisme. Nous avons tous élevé la voix contre ces choses. Mais nous devons aussi constater qu’il s’agit d’une croissante tendance où les forces de la finance et d’une religiosité populiste utilisent des lois iniques, des tribunaux faibles et des gouvernements encore plus faibles pour nourrir cette atmosphère de crainte et d’auto-censure.
Une chose est claire. Il faut que les communautés d’écrivains et d’éditeurs se rassemblent pour s’organiser; il faut qu’elles consolident leur volonté commune, qu’elles mettent en place une stratégie. Les pressions qui sont exercées augmentent. Il faut s’y attaquer d’une manière méthodique et réfléchie, sinon la liberté d’expression sera minée à mesure que les livres et les auteurs et les entreprises du secteur seront ciblés les uns après les autres. PEN a un rôle de leadership important à jouer dans ces efforts de rassemblement de toute la communauté. Le sentiment d’une fraternité partagée peut créer une dynamique distincte. Cela a toujours été le rôle du PEN: une force d’unification pour la communauté des créateurs.
Ce qui est déjà clair, c’est que certaines lois en particulier doivent être revues et qu’il va falloir pour y arriver mener une campagne soutenue. Nous devons porter une attention particulière au fait que ces lois font un tort spécifique à la réputation de l’Inde en tant démocratie. Et finalement, il faut coordonner l’action contre l’échec de la police, des tribunaux et des gouvernements à accomplir leur tâche ou à l’accomplir avec la rapidité et l’énergie nécessaires pour lever le voile de crainte qui existe, et l’auto-censure qui prévaut.
Avec mes salutations les plus amicales.
John Ralston Saul
Président international