par Bernard Gilbert, écrivain, directeur de la Maison de la littérature et membre du Centre québécois du P.E.N.
(Photo: Martine Doyon)
Du 13 au 16 octobre prochain, le centre québécois du P.E.N. International accueille à Québec le 81e congrès de PEN International. Cet accueil coïncide avec l’ouverture de la Maison de la littérature, le 8 octobre, et s’insère dans les dates du festival Québec en toutes lettres (8 au 18 octobre).
En toute humilité, avec le congrès, le festival et l’ouverture de la Maison, nous croyons qu’il s’agit du plus important événement littéraire tenu à Québec – au Québec ? – depuis des décennies.
Les écrivaines et les écrivains du Québec doivent se poser la question, tous, s’ils devraient participer au congrès. Plus encore, ils ne devraient pas hésiter, devenir membre du Centre québécois du P.E.N. et s’inscrire pour une ou plusieurs journées.
Jeudi dernier, 3 septembre 2015, John R. Saul et Émile Martel annonçaient la tenue à Québec du congrès annuel de cette prestigieuse association. J’ai parlé pour ma part de la programmation du festival Québec en toutes lettres préparée autour du congrès. PEN est prestigieux… Mais n’est surtout pas que prestigieux. Impliqué dans plus de 100 pays, regroupant plus de 20 000 membres, PEN International remplit une des fonctions primaires de l’écrivain, de l’écriture : cette association est engagée. Engagée dans le débat public sur la place des écrivains; engagée pour la promotion de la littérature; engagée pour la liberté d’expression, ce qui veut dire généralement pour la défense de la liberté d’expression. Il est en effet très – trop – rare que la liberté d’expression soit louangée ou chantée. Au contraire, il faut en général la défendre, l’assumer, la construire, la promouvoir. On prend la défense des écrivains, blogueurs, journalistes dont la parole est brimée, dont l’intégrité physique, trop souvent, est bafouée, persécutée, deux cent fois par année mise à mort.
La liberté d’expression, et son respect, ne sont pas seulement des valeurs, aussi morales soient-elles, ils qualifient l’air que l’on respire, le monde dans lequel on vit, le degré d’aboutissement d’une société. Raïf Badawi, Charlie Hebdo, les scientifiques du gouvernement fédéral canadien, parmi d’autres, démontrent comment cette liberté nous est chère, fondamentale, essentielle.
De manière générale, le Québec, où je vis, où la plupart des lecteurs de ce texte vivent, jouit d’une très large liberté d’expression. Et c’est tant mieux. Mais cela ne suffit pas. Nous, les écrivains, ne pouvons pas réduire notre cadre de vie à notre seul territoire, notre seule nation, notre seule solitude… Il fait voir large, écrire large, s’engager large…
J’ai assisté à deux congrès de PEN International, à Geyongju (Corée du sud) en 2012 et à Reykjavik (Islande) en 2013. Je me rappellerai toujours la première rencontre d’un comité à laquelle j’ai assisté, celle du comité des écrivains persécutés. J’ai découvert, ébahi, que ce comité de PEN rendait publique, deux fois par année, une liste de plus de 800 écrivains emprisonnés, dans des dizaines de pays, pour des tas de motifs principalement politiques. Vers la fin de la réunion, mon voisin de droite s’est levé. Chinois, il tenait à remercier le PEN pour l’avoir assisté, pendant son séjour en prison, et pour avoir travaillé activement à sa libération après six mois d’enfermement. Deux heures plus tard, en écoutant les membres et adhérents du Comité pour la paix débattre de résolutions sur le rôle de la littérature, et sur l’impact d’actions spécifiques dans des pays en proie à de durs conflits, j’étais saisi de l’urgence de faire quelque chose. Le lendemain, lors d’une excursion touristique, j’ai passé deux heures avec un écrivain du Bahrein, alors en pleine tourmente civile.
La tenue du congrès à Québec est une occasion unique, pour notre communauté littéraire, de prendre le pouls de la littérature du monde, pour s’informer, voir ce qu’il est possible de faire qui soit à notre mesure. Une extraordinaire vitrine de notre littérature pour tous ces visiteurs. Une occasion rare de solidarité avec celles et ceux qui ne jouissent pas d’autant de liberté que nous…
Comment s’informer et participer ?
En visitant le http://www.penquebec2015.org/a-propos//
Une fois membre du Centre québécois du P.E.N., il faut s’inscrire au 81e congrès – un jour (100 $), tout le congrès (400 $) – ce qui permet de participer, du lundi 12 au vendredi 16 octobre :
- à un extraordinaire forum d’échanges et de discussions;
- à un grand caucus international d’intellectuels qui, d’un commun accord et en parfaite bonne foi, consacrent quelques jours à faire avancer la littérature et la parole libre;
- à participer à la soirée inaugurale, le mardi 12 octobre, au Musée de la civilisation; à des soirées littéraires hors du commun, par exemple Libres de créer, avec Margaret Atwood, Russell Banks et Robert Lepage, ou Libres de s’exprimer, avec Jean-François Lépine et Chris Hedges; entendre Pauline, l’opéra de Tobin Stokes et Margaret Atwood sur cette figure étonnante, Pauline Johnson métis britannique et mohawk;
- lire ses textes lors de la soirée Babel à Québec, le jeudi 15 octobre, dans une de trois salles ou plus de 50 écrivains de tous les continents se relaieront au micro;
- profiter de fins de soirée relax à la Maison de la littérature pour faire connaissance avec nos collègues visiteurs de tous les continents ;
- les frais d’inscription sont bien sûr une dépense professionnelle.
Hormis les assises du congrès, hormis la bataille perpétuelle pour la liberté d’expression, John Ralston Saul, président de PEN International, croit sincèrement que la ville où se tient le congrès, chaque année, pendant une semaine, devient la capitale littéraire du monde.
Nonobstant mon travail à la Maison de la littérature, comme écrivain, je ne vois pas comment je pourrais me payer le luxe de rater cela. J’espère que vous serez nombreux à penser la même chose, et à vous inscrire…
Bernard Gilbert
Écrivain
Directeur, Maison de la littérature
Membre du Centre québécois du P.E.N.