Allocution du président Émile Martel lors de la 16e édition de Livres comme l’air
Photo: Jean-Guy Thibodeau, photographe du Salon du Livre de Montréal
Je vous salue, chers amis écrivains et écrivaines québécois qui vous prêtez à ce geste devenu traditionnel de Livres comme l’air, chers amis lectrices et lecteurs membres du public qui venez partager avec nous les frustrations de ceux qui pourchassent l’injustice et s’élèvent contre la censure, les persécutions, les emprisonnements, les coups de fouet dont sont victimes ceux qui pratiquent les professions de l’écriture et en souffrent.
Je pense que ceci est le treizième, peut-être le quinzième petit discours que je fais dans le cadre du Salon du Livre de Montréal pour donner la parole au Centre québécois du P.E.N. international et passer une fois de plus un message de frustration et d’indignation et d’appel à la solidarité, le message qui caractérise notre action et explique votre présence ici ce soir.
De mémoire, j’ai toujours commencé ces interventions en disant que notre cause n’avançait pas bien vite, que nous devions constater la désespérance de nos échecs, mais aussi que nos efforts n’étaient pas inutiles, que notre vigilance et notre impatience nourrissaient chez nous une santé morale, une sensibilité sociale qui témoignaient de la qualité de nos institutions et de l’importance de garder les yeux ouverts sur les menaces que ces mêmes institutions, Loi 51 d’un côté, Loi 59 de l’autre, font peser sur nos libertés.
Des changements récents nous permettent d’espérer que le cœur refera surface dans cet océan de chiffres qui nous a presque noyés depuis quelques années.
Hors de nos frontières, dans les derniers mois, il y a eu Charlie Hebdo, dans les derniers mois il y a eu la flagellation de Raif Badawi en Arabie Saoudite. Faut-il en dire plus ? Faudrait-il faire une autre liste, exposer d’autres horreurs que ces deux-là qui symbolisent la violence doctrinaire, l’intolérance institutionnelle, le radicalisme idéologique. Les victimes chez Charlie Hebdo, Raif Badawi qui croupit dans sa prison, n’a-t-on pas vu une casi-unanimité partout sur la planète pour en faire des héros ? Mais nos héros sont morts ou ils sont emprisonnés.
Je n’oublie pas le Bataclan, mais c’est parce que je n’oublie pas Beyrouth ni Bamako et les autres massacres venus de tous les radicalismes.
Nous sommes ici pour nous en indigner. Et nous, du Centre P.E.N. québécois, remercions Amnistie Internationale, l’UNEQ et le Salon du Livre de Montréal de partager ce cri d’indignation avec vous. René-Daniel Dubois, notre animateur, et Larry Tremblay, notre porte-parole, nous aident à faire retentir ce cri ; je leur manifeste toute ma reconnaissance.
N’oubliez pas que vous pouvez ajouter à votre présence ici une visite au stand 647 pour mieux connaître nos lecteurs de ce soir et leurs jumeaux éloignés. Et à mesure que vous verrez cette chaise vide qui symbolise nos amis absents accepter un à un les livres et les sentiments qui leur sont destinés, rappelez-vous que nous lançons sur la planète des esprits et des fantômes de la liberté qui iront les rejoindre et les soutenir.
émile martel, président Centre québécois du P.E.N. international
16e Édition de Livres comme l’air Salon du Livre de Montréal
Vendredi 20 novembre 2015
Place Confort TD, 19 h 30