Une lettre de prison de Nedim Türfent

Nedim Turfent (1)

Voir ci-dessous une lettre du rédacteur en chef, journaliste et poète Nedim Türfent, aimablement traduite en anglais par Ege Dündar et en français par Jean-Pierre Pelletier.

Nedim Türfent purge actuellement une peine de huit ans et neuf mois d’emprisonnement en Turquie pour des accusations de terrorisme forgées de toutes pièces. Plus tôt ce mois-ci, la Cour de cassation turque a confirmé sa peine de prison en appel. La Cour constitutionnelle turque et la Cour européenne des droits de l’homme n’ont pas encore statué sur son cas.

Dans sa lettre, Nedim Türfent adresse ses sincères remerciements à la « famille PEN International » pour sa campagne et témoigne de la portée de nos messages de solidarité. PEN international est profondément reconnaissant envers tous ceux qui ont agi pour Nedim Türfent jusqu’à présent. Les centres PEN du monde entier se sont mobilisés en son nom, notamment en signant un appel mondial pour sa libération et en traduisant un de ses poèmes en plusieurs langues. Le Québec a fait une traduction française. Nedim Türfent est l’un des cinq cas mise en exergue cette année pour la journée de l’Écrivain en prison et nous espérons que vous serez nombreux à vous mobiliser.

Veuillez noter que Nedim Türfent a récemment changé de cellule. Veuillez envoyer vos messages à:

Nedim Türfent, Van Yüksek Güvenlikli, Kapalı Ceza İnfaz Kurum, Koğuş A-44, Van, Turquie

Voici la lettre :

« Parfois il arrive que la vie s’épanouisse sur une pierre. Avec de l’espoir, de la détermination et de la résistance. C’est pour apporter parfois une nuance de gris… » 15 septembre 2019 : le 1 222e d’emprisonnement ! Nedim Türfent.

Aux membres et à la famille du PEN International,

Je vous remercie pour l’espace que vous m’accordez dans cette campagne que vous menez sans relâche et dans laquelle vous ne ménagez aucun effort. Tout comme avant, votre soutien et votre solidarité ne cessent d’être pour moi un soulagement. Je vous suis reconnaissant. Veuillez, s’il vous plaît, continuer.

L’unité et la collaboration dont on a fait preuve au Tate Modern, à Londres, lors de l’exposition* « Who are we? » (Qui sommes-nous?) m’ont réchauffé le cœur ainsi que l’« espace de vie » dans lequel je me trouve coincé entre quatre murs étroits : un lieu de résidence obligatoire. Les arbres et les fleurs, qui ont commencé à faner, renaissent de leurs cendres malgré l’obstination opiniâtre de l’automne. C’est, bien sûr, grâce à vous. Et ce n’est certainement pas là une observation risquée. On peut aisément se représenter cela à l’aide de quelques gouttes d’un élixir tirées des vers d’un poème ou du pouvoir que la magie confère aux mots. Le cadre à l’intérieur duquel notre espoir croît petit à petit, de jour en jour jusqu’aux confins de nulle part. La littérature et la réalité se rencontrent tant et aussi longtemps que le monde de la poésie et des mots rend la vie plus belle, le ciel plus visible et embrasse tout un chacun. C’est devenu un devoir pour la conscience de tout travailleur de la plume de toucher, de tenir la main de tout être dont la parole est réduite au silence, dont les images sont cachées de force derrière les voiles d’un brouillard. À cet égard, votre position est exemplaire pour nous tous. Vos efforts pour donner voix à ceux qui n’en ont pas est une aide précieuse. Si, par la présente, j’oubliais de remercier à nouveau le PEN pour les efforts déployés comme le principal véhicule de libération de la littérature et des arts, je ne pourrais plus reposer sans problème ma tête sur l’« oreiller » de ce lit de fer superposé.  Votre solidarité continuera à mes côtés sur ce lit. Et c’est ce que je crois de tout mon cœur.

Je vous salue et souhaite que nous nous rencontrions au-delà de ces barreaux de fer et de ces murs le plus tôt possible (que cela soit d’ores et déjà possible!) :).

En ce 1 222 e jour de captivité, je vous exprime mes amitiés sans limites. Avec l’espoir d’un monde où la liberté pour la littérature, la poésie, la parole et les arts sera plus grande.

* Au mois de mai 2019, l’artiste et journaliste Zehra Doğan prenait part pour la troisième année consécutive à l’exposition https://www.indexoncensorship.org/2019/05/21-25-may-who-are-we-at-tate-exchange/, au Tate Modern Museum, à Londres. Son installation a été commanditée de concert avec le Tate Exchange et l’Index on Censorship, le PEN d’Angleterre et PEN International. Le PEN encourage les visiteurs à exprimer par écrit leur solidarité avec les écrivains et journalistes emprisonnés en Turquie. Nedim Türfent est l’un d’eux.

 

 

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