Mort, le militant et activiste Azimjon Askarov n’était « pas un prisonnier oublié »

Nguyên Hoàng Bao Viêt, président du Centre PEN Suisse Romand (délégué pour le Comité de défense des écrivaines et des écrivains persécutés et emprisonnés)

Septembre 2020

Déclaration du Comité de Défense des écrivaines et des écrivains persécutés et emprisonnés du Centre PEN Suisse Romand à la suite de la disparition de Azimjon Askarov, prisonnier des droits de la personne ouzbek au Kirghizistan :

Profondément touchés par la mort en prison de notre frère de plume Azimjon Askarov, nous adressons nos sincères condoléances et nos pensées affectueuses à sa femme Khadija Askarova, à sa famille endeuillée et à ses amis et collègues meurtris.

Azimjon Askarov avait écopé en 2010 d’une peine à perpétuité : journaliste et militant, il avait vu sa peine maintenue en août 2019

Pour mémoire, à Bichkek au Kirghizistan, l’Assemblée des Délégués de PEN International réunie lors du 80e congrès mondial de l’organisation du 29 septembre au 2 octobre 2014, a lancé un appel à la libération immédiate et inconditionnelle de trois écrivains emprisonnés en Asie centrale.

Dans la grande salle du congrès de PEN International, il y avait trois chaises vides. Les trois prisonniers ne sont pas venus : Azimjon Askarov, journaliste et défenseur des droits de l’homme ouzbek au Kirghizistan, Vladimir Kozlov, écrivain et défenseur des droits de la personne au Kazakhstan et Ilham Tohti, écrivain et intellectuel du peuple ouighour, dont la terre natale Xinjiang est nommée « région autonome des Ouighours » sous la domination du parti communiste chinois. Moment d’intense émotion inoubliable : la présidente du Comité de défense des écrivains emprisonnés de PEN International, Marian Botsford Fraser accompagne Khadija Askarova, la douce et brave femme du prisonnier Azimjon Askarov à la tribune; les deux femmes se présentent aux congressistes dont des centaines d’écrivains, poètes, journalistes, éditeurs, traducteurs, artistes et intellectuels venant du monde entier.

Azimjon Askarov a été condamné en 2010 à une peine de prison à vie au terme d’une parodie de procès. Des allégations de torture en détention selon le Comité des droits de l’homme dans une déclaration en 2016. Azimjon Askarov avait été arbitrairement détenu, incarcéré dans des conditions inhumaines, maltraité et empêché de préparer correctement sa défense. Depuis, les autorités kirghizes ont refusé de libérer Azimjon Askarov pour des raisons médicales et humanitaires, malgré ses problèmes cardiaques et respiratoires et les risques posés par la pandémie de COVID-19.

Le 17 mai 2020, c’était le 69e anniversaire d’Azimjon Askarov. Le Centre PEN Suisse Romand a renouvelé sa demande adressée aux autorités de Kirghiszistan de libérer Azimjon Askarov immédiatement et sans condition. Honnêtement parlant, nous avons échoué dans notre devoir d’aider Azimjon Askarov à recouvrer sa liberté. Et le défenseur des droits de l’homme ouzbek de retrouver sa famille ayant douloureusement souffert de leurs longues années de séparation forcée et injuste. À Genève, Liz Throssel, porte-parole du Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme, a déclaré : « Il devrait y avoir une enquête rapide et impartiale sur les circonstances de la mort de Azimjon Askarov survenue le 25 juillet 2020. En vertu des droits de l’homme internationaux, sa famille a le droit de réclamer réparation. »

Les tragédies des plumes brisées, des voix étouffées, des poètes disparus, des écrivains assassinés se répètent, partout dans le monde. In memoriam, de Fédérico Garcia Lorca à Robert Desnos, de Hô Huu Tuong à Nguyên Manh Côn, de Ken Saro Wiwa à Anna Politkovskaya, de Hrant Dink à Guillermo Fernandez Garcia, de Vu Hoàng Chuong à Dinh Dang Dinh, de Vassyl Stous à Liu Xiaobo, de Shady Habash à Azimjon Askarov, parmi tant d’autres sœurs et frères de plume morts en prison. Osons-nous dire : des morts dans l’indifférence et l’impunité, des morts privés de liberté, assoiffés d’humanité et de justice.

Arrêté en janvier 2012, Vladimir Kozlov a été libéré sur parole en août 2016, après avoir purgé quatre ans de prison des sept ans et demi de sa condamnation. En revanche, malgré le Prix Sakarov 2019, le Prix Vaclav Havel 2019, le Prix des droits de l’homme de la Ville de Weimar 2017, le Prix Martin Ennals 2016 et le Prix PEN Barbara Goldsmith Liberté d’écrire 2014, Ilham Tohti, écrivain et intellectuel du peuple ouighour, continue de purger injustement son inhumaine peine de prison. Arrêté en janvier 2014, au terme d’un procès inéquitable de deux jours en septembre 2014, Ilham Tohti a été condamné à la réclusion à perpétuité. Selon sa fille, Jewher Tohti, c’est en 2017 que sa famille a pu le voir une dernière fois dans un camp d’internement de la région Xinjiang.

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