

P.E.N.-Québec est heureux d’annoncer la remise à l’écrivain Pierre Nepveu du prix littéraire Jacques-Brossard/Centre québécois du P.E.N. international 2022; il est le troisième lauréat de ce prix d’une valeur de 5 000 $, qui lui a été remis à la Maison de la littérature de Québec, ce vendredi 16 septembre. Les titres de deux essais de Pierre Nepveu, parus à près d’un quart de siècle d’intervalle, Intérieurs du Nouveau Monde : essais sur les littératures du Québec et des Amériques (1998) et Géographies du pays proche. Poète et citoyen dans un Québec pluriel (2022), montrent l’attention de l’auteur à la notion d’espace, de lieu, dont il explore ce qui relève à la fois de l’enracinement et de la diffusion. Il fait sienne l’idée, qui a quelque chose de l’idéal, énoncée par Octavio Paz, « L’espace est au-dedans », véritable appel à passer de l’extériorité à l’intériorité. Se rapprocher des autres contribue à se rapprocher de soi.
Dans Intérieurs, Pierre Nepveu montrait que la représentation courante d’une Amérique incapable d’intériorité était démentie par la littérature de notre partie de l’histoire et du monde. Relire nos classiques dans une perspective comparatiste, c’était les relier au réseau des écrivains du Nouveau Monde grâce à une analyse sensible à la dimension mythique : « L’expérience de l’Amérique est une grande aventure de l’esprit, d’une exigence implacable : ce qui pourrait apparaître comme la promesse messianique d’un nouvel homme signifie en réalité un travail sur la forme poétique. » La prise en charge du langage par la poésie dépasse en effet la question du contenu : le vers, le phrasé, le rythme contribuent à l’élaboration d’une image concrète, porte ouverte sur une signification enrichie. « L’émotion poétique et la possibilité même de créer un poème n’ont lieu que lorsque le langage se détourne du dedans pour se projeter vers des réalités extérieures. L’émotion n’est plus intime, elle est dans l’objet, la personne, la scène, le paysage. »
L’humanisme est né de la mise à contribution d’une volonté de savoir visant à nous rendre plus conscients de ce qui nous précède et nous entoure, donc : plus humains. Géographies du pays proche applique à l’idée de nation le désir de proximité, à un moment où la technologie nous permet d’être partout en même temps, ce qui est peut-être la meilleure façon de n’être nulle part. Nous naissons héritiers d’un pays, d’une histoire, nous sommes lancés dans une trajectoire, et cela vaut pour le citoyen autant que pour le poète.
Si l’on veut que le passé contribue au temps qui se tisse sous nos yeux, il ne faut pas lui donner le poids d’un tribut, mais le revivifier. « La beauté de la mémoire, c’est qu’elle ne s’arrête pas de se recréer. À mesure qu’elle avance et se renouvelle, la culture retrouve un passé qu’elle ne pensait pas avoir, elle se redécouvre sous un visage autre. » La culture avance en même temps au milieu des nouveaux vecteurs qui contribuent au Québec pluriel.
La grande aventure de l’esprit est en cours et le restera. L’œuvre de Pierre Nepveu en montre la complexité, la stimulante complexité.
Pourvu d’une récompense de 5 000 $ provenant d’un legs testamentaire de monsieur Jacques Brossard, ce prix est remis à « l’auteur d’un ouvrage d’essai ou de fiction publié en français au Québec (langue originale ou traduction), centré sur l’humanisme ou la spiritualité et qui fait la défense et l’illustration des valeurs de l’esprit et des valeurs propres à la personne humaine ». Le jury du prix Jacques-Brossard-Centre québécois du P.E.N. International était composé, cette année, de Madame Nora Atalla et de Messieurs Joseph Djossou et Gilles Pellerin.
Vous trouverez les allocutions de Gilles Pellerin et de Pierre Nepveu ci-dessous.