Türkiye : La répression de la liberté d’expression persiste un mois après les tremblements de terre dévastateurs

Le 6 mars 2023, un mois après que des tremblements de terre dévastateurs aient frappé la Türkiye et la Syrie, entraînant la mort de plus de 50 000 personnes et la destruction d’infrastructures essentielles touchant des centaines de milliers de personnes. PEN International exhortait les autorités de Türkiye à lever toutes les restrictions à la liberté d’expression et à l’accès à l’information, car les journalistes, les médias et les éditeurs indépendants continuent d’être pris pour cible.

Burhan Sonmez, président de PEN International, a déclaré :

Les tremblements de terre dévastateurs qui ont frappé la Türkiye et la Syrie ont entraîné des souffrances et des destructions inimaginables. Nos pensées vont à toutes les personnes touchées par cette tragédie, y compris nos amis de PEN Türkiye et de PEN Kurde. Nous nous joignons à nos chers collègues pour allumer des bougies en souvenir des victimes, et en solidarité avec les peuples de Türkiye et de Syrie en ces temps difficiles.

Pourtant, alors que nous pleurons la perte d’êtres chers, les autorités de Türkiye continuent d’empêcher la diffusion de reportages indépendants sur la catastrophe et utilisent l’état d’urgence dans les zones touchées comme un nouveau prétexte pour réprimer les critiques. Les autorités doivent immédiatement permettre aux écrivains et aux journalistes de faire leur travail et cesser d’utiliser une législation répressive pour restreindre la libre circulation de l’information qui est si cruciale en ce moment.

Au lendemain de la catastrophe, les autorités ont arrêté plusieurs journalistes et engagé des poursuites pénales contre certains. Elles ont temporairement bloqué l’accès à Twitter, au moment même où des opérations de sauvetage vitales étaient coordonnées par la plateforme de médias sociaux. Elles ont lancé l’« application de signalement de la désinformation », qui suscite la discorde et encourage les utilisateurs à signaler les comptes qui diffusent des messages « manipulateurs ». Elles ont également empêché activement les journalistes de couvrir la catastrophe; seuls les détenteurs d’une carte de presse délivrée par le gouvernement étaient notamment autorisés à se rendre dans les zones touchées. Selon les autorités, au 2 mars, plus de 150 personnes avaient été placées en détention et 29 personnes avaient été arrêtées pour avoir commenté ou rendu compte des tremblements de terre.

Le 22 février, le Conseil suprême de la radio et de la télévision (RTÜK) — qui, depuis quelques années, inflige des amendes pour réduire au silence les médias critiques — a sanctionné trois radiodiffuseurs en réponse à leur couverture de la gestion de la catastrophe par les autorités turques. Halk TV, Tele 1 et Fox TV ont reçu des amendes, tandis que Tele 1 a vu son programme d’actualités suspendu pour cinq épisodes. Dans une démarche inquiétante, le 4e tribunal pénal de paix d’Ankara a bloqué l’accès à plusieurs sites web, chaînes YouTube et comptes de médias sociaux critiques à l’égard du gouvernement pour avoir prétendument diffusé de la propagande terroriste et de la désinformation et avoir sapé la confiance du public. La célèbre maison d’édition kurde Avesta est l’un des médias concernés par cette interdiction. Son site web avait été bloqué le 22 février pour avoir diffusé de la propagande terroriste. La maison d’édition Avesta est prise pour cible par les autorités depuis des années simplement parce qu’elle produit des titres en kurde. L’interdiction a été levée en appel le 28 février. L’accès à la populaire plateforme de médias sociaux Ekşi Sözlük était toujours bloqué au moment de la rédaction de cet article. 

RTÜK devrait se conformer à son mandat initial au lieu de chercher à réduire au silence les contenus médiatiques critiques et indépendants. La décision de bloquer temporairement le site web de la maison d’édition Avesta est profondément problématique. Une telle mesure ne fait que menacer la liberté d’expression et renforcer la censure. La répression incessante des autorités à l’encontre des voix indépendantes, de moins en moins nombreuses en Turquie après les tremblements de terre catastrophiques et à l’approche des prochaines élections générales, est très préoccupante et doit cesser une fois pour toutes, a ajouté Burhan Sonmez.

La Loi sur la désinformation, adoptée par le Parlement en octobre 2022 malgré les vives critiques de la société civile et de la communauté journalistique, est particulièrement préoccupante avant les élections prévues en 2023. La nouvelle législation se compose de 40 articles modifiant plusieurs lois, notamment la loi sur l’Internet, la loi sur la presse et le code pénal. Toute personne reconnue coupable d’avoir délibérément publié des « désinformations et des fausses nouvelles » est passible d’un an à trois ans de prison.

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